De nombreuses personnes privées et publiques sont, tous les jours, victimes de fraudes commises par l’utilisation de sociétés commerciales, plus ou moins éphémères, constituées dans ce principal, voire seul, objectif.
Dans la lutte contre les fraudes par l’utilisation de sociétés commerciales, le Ministère de l’Économie a largement diffusé, en mai 2023, une feuille de route afin de lutter contre les fraudes aux finances publiques mettant en exergue cette pratique.
De son côté la presse, se fait régulièrement l’écho de fraudes de grande ampleur et des actions entreprises par l’Administration pour lutter contre celles dont ses services sont directement victimes, pour exemple, Les Echos du 6 octobre 2023 « La fraude aux audioprothèses dans le viseur de l’Assurance Maladie ».
L’utilisation frauduleuse, de plus en plus fréquente, de sociétés commerciales dans un objectif délictuel porte nécessairement atteinte à l’image de ses sociétés, pourtant indispensables au fonctionnement de notre économie.
Les victimes sont alors invitées à déposer une plainte. Cette action de nature pénale est importante et indispensable pour lutter contre les fraudes, mais elle n’est pas la seule.Un constat s’impose, Il est aujourd’hui plus facile, et moins dangereux pour les fraudeurs, de créer une société commerciale qui servira à la commission de leur infraction plutôt que de se procurer une arme ; au moins faut-il l’espérer.
Les tribunaux, et en premier lieu les tribunaux de commerce, ne s’y trompent pas et luttent activement contre le dévoiement de SAS, SARL et autres formes de sociétés commerciales qui sont immatriculées auprès de leurs greffes.
Dans leurs actions, les tribunaux de commerce veillent à surveiller leur Registre du Commerce et des Sociétés, en désignant spécialement un de leur juges à cette surveillance.
En matière de contentieux dont ils sont saisis, les tribunaux de commerce n’hésitent pas à condamner, parfois lourdement, les dirigeants, personnes physiques, de ces sociétés « à vocation frauduleuse ».
Cette condamnation peut être prononcée sur le fondement de l’article L225-251 du code de commerce selon lequel la responsabilité personnelle d’un dirigeant peut être recherchée par un tiers, si ce mandataire social a commis, dans sa gestion, une faute séparable de ses fonctions sociales qui lui soit imputable personnellement, et dont la particulière gravité est incompatible avec l’exercice normal des fonctions d’un mandataire social.
La commission d’agissements frauduleux sont jugés alors incompatibles avec l’exercice normal des fonctions d’un mandataire social, « dont une des responsabilités est de s’assurer de la parfaite régularité légale des actes accomplis par la société »*.
C’est sur ce fondement et en ce sens que le tribunal de commerce de Pontoise, saisi par plusieurs CPAM, vient de sévèrement condamner par un jugement du 29 mai dernier, la personne physique, dirigeante d’une SAS ayant servi à la commission de nombreuses fraudes.
C’est, au cas d’espèce, en moins de 9 mois, que le tribunal, une fois saisi, condamna avec exécution provisoire la personne reconnue fautive.
Cette action en justice devant le tribunal de commerce n’a pas vocation à se substituer à une plainte pénale, mais elle concourt assurément à ce que la victime puisse être reconnue dans son droit et indemnisée dans un délai acceptable.
*TCom Pontoise, 29 mai 2024 (RG : 2023F00867)