Fusion TF1-M6 : cinq minutes pour comprendre pourquoi ça coince
Benjamin Meffre
Une petite bombe lâchée par Nicolas de Tavernost. Mardi 26 juillet, le patron de M6 a révélé publiquement qu’un premier rapport de l’Autorité de la concurrence (ADLC) n’était pas « favorable » à son projet de fusion avec TF1.
Annoncé en mai 2021, le mariage entre les deux géants de la télévision française semble compromis, comme nous le révélions dès le 21 juillet dernier.
Pourquoi TF1 et M6 veulent-ils fusionner ?
TF1 et M6 justifient leur volonté de rapprochement par la nécessité de s’allier face à la concurrence accrue des plates-formes comme Netflix et Disney + en France. Problème, ces groupes audiovisuels privés pèsent à eux deux plus de 70 % du marché publicitaire télé français. Leur projet pourrait ainsi porter atteinte au principe de libre concurrence et inquiète certains annonceurs et producteurs.
Comme de rigueur, l’Autorité de la concurrence a été chargée de se pencher sur ce dossier épineux. À l’issue d’un travail approfondi de ses services depuis mars 2022, cette autorité administrative indépendante a rendu à TF1 et M6 un premier rapport confidentiel en fin de semaine dernière. Ce sont ses grandes lignes que les deux groupes ont décidé mardi soir de révéler publiquement.
Que dit le rapport de l’Autorité de la concurrence ?
On ne connaît du contenu de ce rapport que ce que veulent bien en dire TF1 et M6. L’ADLC s’astreint en effet à une totale discrétion sur son travail avant la publication de sa décision finale, attendue pour la deuxième quinzaine d’octobre. Selon les deux groupes audiovisuels, l’Autorité considère dans son document que la fusion pose des « problèmes de concurrence significatifs » sur le marché de la publicité.
Pour la valider, elle exige des contreparties que TF1 et M6 disent ne pas pouvoir accepter, car ces dernières « feraient perdre toute pertinence au projet ». Dans leur communiqué, les deux groupes se disent même prêts à abandonner leur projet de fusion si l’ADLC ne met pas de l’eau dans son vin.
Outre la vente de deux chaînes (TFX et 6ter)déjà actée par TF1 et M6 en cas de mariage, l’Autorité de la concurrence a pu dans son rapport préconiser aux deux groupes des régies publicitaires ou des achats de programmes séparés.
La fusion est-elle enterrée ?
Ce premier rapport négatif ne signe pas pour autant la mort du projet de fusion. TF1 et M6 ont désormais trois semaines, soit jusqu’à la mi-août, pour remettre par écrit à l’Autorité de la concurrence leurs contre-arguments et contre-propositions. Ce sera ensuite au collège de l’ADLC, une assemblée de dix-sept représentants des sphères publique et privée, qu’il appartiendra de rendre la décision finale. Avant cela, le collège auditionnera les représentants des deux groupes les 5 et 6 septembre prochains.
En cas d’échec confirmé en octobre prochain, TF1 et M6 pourront toujours espérer que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, vole à leur secours. « Le Code du commerce lui donne le pouvoir de statuer sur l’opération pour un motif d’intérêt général, comme la compétitivité des entreprises au regard de la concurrence internationale », précise Me Frédéric Lamoureux, avocat en droit des affaires au barreau de Paris.
Le gouvernement aurait vingt-cinq jours à compter de sa publication pour casser la décision de l’Autorité de la concurrence. Un scénario rare, mais déjà vu lors du rachat de William Saurin, le géant des plats cuisinés, par Cofigeo en 2018.