Plaidoyer pour une recherche de conciliation en matière commerciale

Depuis de nombreuses années la plupart des juridictions font la promotion des modes amiables de résolution des différends. Il en va ainsi en matière commerciale comme dans d’autres domaines.

Malgré les efforts engagés pour la promotion de cette méthode alternative de règlement des conflits, une marge de progression est encore importante.

Elle nécessite avant tout une vraie réflexion des parties en cause et beaucoup de pédagogie de la part des différents intervenants professionnels : des juges mais certainement encore plus de la part des avocats.

L’article 12 du code de procédure civile rappelle que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Pourtant le même code rappelle également qu’il entre dans la fonction de juge de tenter de concilier ; ainsi, les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance selon notamment l’article 128 du même code.

Quant à l’avocat, guidé notamment par ses devoirs de désintéressement, de prudence et de dévouement, il se doit de veiller à l’intérêt de son client. Celui-ci ne passe pas nécessairement par l’obtention d’une décision de justice.

Les modes amiables de résolution des différends, connus sous l’acronyme des MARD, participent indéniablement à la recherche de l’intérêt des parties.

Ils peuvent revêtir différentes formes dont notamment la procédure participative, la médiation ou encore la conciliation. Ils peuvent être structurés par la mise en place préalable d’une convention spécifique visant à solutionner un différend, ou mis en œuvre après engagement d’une procédure judiciaire.

L’objet du présent billet n’est pas de faire un panorama exhaustif des MARD. Il faut admettre que cela est assez fastidieux et de nombreux auteurs ont déjà fait cela très bien.

Mon propos se veut pragmatique en essayant, au seul travers de l’exemple de la conciliation à l’initiative des tribunaux de commerce, de démontrer l’intérêt d’une telle procédure dans quelques exemples de contentieux assez classiques, en répondant également à certains doutes légitimes des justiciables concernés.

Quels sont les principaux intérêts d’une conciliation en matière commerciale ?

La liste est longue et non exhaustive, en voici quelques-uns :
* La conciliation peut avoir pour exemple de résoudre rapidement un différend entre commerçants, entre associés d’une société commerciale, ou encore entre une société et ses dirigeants. La rapidité est certes une notion relative mais la conciliation réussie évite une procédure généralement plus longue, et ce surtout si la décision de première instance est frappée d’appel, retardant d’autant la solution du litige.
* La conciliation réussie donne lieu à un protocole d’accord transactionnel qui est le fruit de l’accord convenu, avec la participation d’un juge conciliateur, chaque partie étant assistée de son propre avocat. Un tel accord sera d’autant plus facilement exécuté qu’il aura été le résultat d’échanges et de concessions entre les parties. Il écarte tout risque d’aléas judiciaire. Le protocole peut être homologué par le tribunal lui donnant l’autorité de la chose jugée en dernier ressort.
* La conciliation ne porte pas injure au futur. Elle apaise les conflits et peut permettre à des commerçants de poursuivre des relations apaisées.
* Certains contentieux se prêtent particulièrement à la recherche d’une conciliation. Ainsi, un tribunal est parfois saisi d’une partie d’un litige plus global pour lequel d’autres juridictions peuvent être également saisies. La conciliation n’est pas limitée au seul contentieux dont le tribunal est saisi, la conciliation peut être élargie à l’ensemble des litiges opposant les parties et trouver ainsi une solution globale.
Dans d’autres domaines, le contentieux peut porter sur un sujet très spécifique lié au domaine d’activité des parties dont elles sont, par nature, les spécialistes. Y a-t-il une réelle logique à faire trancher leur litige par un juge, certainement très compétent, mais pas nécessairement spécialiste de leur activité ?
* La conciliation par un juge est gratuite.
* Elle est strictement confidentielle. En cas d’échec, l’affaire sera transmise à un autre juge chargé d’instruire le litige qui n’aura aucune connaissance des échanges et pièces communiquées lors de la tentative de conciliation. Il n’y a en effet aucun échange entre le juge-conciliateur et le juge chargé d’instruire l’affaire, pas plus qu’avec la formation de délibéré qui rendra le jugement au nom du tribunal.

Êtes-vous tenu d’accepter une proposition de conciliation faite par le tribunal de commerce?

La réponse est définitivement non. La crainte de paraître de mauvaise composition, ou pire de mauvaise foi, en refusant une conciliation est un préjugé infondé.
Aucune conséquence ne sera tirée par le tribunal ou le juge qui l’aura proposée aux parties et le procès poursuivra son cours.
Chaque partie est libre de mettre un terme à la phase de conciliation si elle considère finalement qu’aucun accord négocié ne sera envisageable.

L’échec d’une conciliation retarde-t-elle l’issue du procès engagé ?

C’est très exceptionnellement le cas. Concernant le cas particulier du tribunal de commerce de Paris, celui-ci a conclu le 17 décembre 2021 un nouvel avenant au protocole le liant au Barreau de Paris et au greffe du tribunal.
Aux termes de cet avenant, il est notamment rappelé que la mise en place d’une conciliation ou plus généralement d’un MARD peut intervenir à toutes les étapes de la procédure avec l’accord des parties. En cas d’échec, le tribunal et le greffe se sont engagés à faire en sorte de limiter tout retard dans la reprise de la procédure contentieuse.

Quels sont les préalables au succès d’une conciliation ?

Le premier travail, et il n’est pas le plus facile, est de savoir faire la part des choses et de prendre du recul par rapport au différend et à la partie adverse.
Votre avocat, au risque parfois de vous déplaire, est à vos côtés pour vous accompagner dans cette démarche.
Gardez à l’esprit qu’un avocat a pour mission de défendre vos intérêts. En fin de compte, la décision vous appartient et si vous décidez que seule la voie contentieuse est de nature à vous satisfaire, votre avocat remplira également pleinement sa mission dans la défense de vos intérêts devant le tribunal.

En conclusion, la décision de s’engager, ou non, dans un mode amiable de résolution de différends vous appartient.
Personne ne vous reprochera de l’avoir refusé mais mon expérience me conduit à vous soumettre quelques pistes de réflexion :

– Rappelez-vous que le temps de la justice s’écoule plus lentement que le temps des affaires,
– Le temps consacré par vous-même et vos équipes à la gestion d’un contentieux (recollement des pièces, réunions avec vos conseils…) est autant de temps qui n’est pas consacré au développement de vos affaires,
– Dans les contentieux complexes et longs à l’issue aléatoire, il y a toujours un moment ou le chef d’entreprise sera amené à se poser la question : comment en sommes-nous arrivés là ? et pour quel résultat ?