Tout justiciable, plus ou moins familier des procédures judiciaires, interroge souvent son avocat sur le paragraphe figurant généralement en fin de ses conclusions, faisant référence à une somme demandée au titre de « l’article 700 ».
Votre avocat vous répondra que dans toutes les instances, le juge qui condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante peut également condamner cette dernière, (si une telle demande a été faite) à vous payer une somme d’argent que le juge, lui-même, déterminera (dans la limite de votre demande), au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (pour les plus curieux, la liste de ces dépens figure à l’article 695 du code de procédure civile, il s’agit notamment de droits, taxes, redevances et/ou émoluments divers).
Une fois cette précision apportée, le justiciable ne manquera pas de demander à son avocat pourquoi avoir demandé telle ou telle somme à ce titre
Chaque avocat alors aura sa propre explication, dont la plus drôle est certainement celle reposant sur la « bonne ou mauvaise humeur » du juge au moment d’avoir entendu l’affaire, voire de la difficulté que celui-ci a dû rencontrer pour préparer la décision finale.
Plus sérieusement, la modification récente de l’article 700 du code de procédure civile par un décret du 22 février dernier est l’occasion de donner quelques éclaircissements sur l’application effective de cet article, dont bon nombre de mes confrères ne cessent de se plaindre, souvent à juste titre, au regard de la «modicité» des sommes accordées par les tribunaux au visa de l’article 700.
1. D’abord un bref rappel sur le pouvoir du juge face à l’article 700
Cet article 700 du code de procédure civile dispose notamment : « Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations ».
Ainsi, le juge dispose en la matière d’un véritable pouvoir d’appréciation discrétionnaire, sans même qu’il ne soit exigé de sa part une quelconque motivation de sa décision à ce titre.
La plupart des décisions contiennent cependant une motivation de pur style pouvant aller jusqu’à celle qui vous refusera toute somme au visa de l’article 700, alors même que vous êtes la partie gagnante.
Elle sera souvent rédigée de la sorte : « Compte tenu des circonstances de la cause, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du CPC ».
Voilà bien une phrase qui a l’avantage de n’éclairer personne.
2. Ce que recouvre exactement l’article 700
La partie à un procès a nécessairement engagé des frais, il en va ainsi des frais d’avocat mais souvent aussi de ces frais internes et externes engagés, notamment au regard du temps passé par les parties en personne ou leur personnel et conseils (en réunion interne, avec l’avocat et/ou l’expert-comptable, en recherche de pièces…).
3. Des particularités de l’article 700
La condamnation qui peut être mise à la charge de la partie perdante au visa de cet article intervient ici sans aucune considération de faute.
Elle est, par exemple, totalement indépendante des dommages et intérêts pour procédure abusive, qui impliquent une faute et un préjudice autre que celui qui sera indemnisé au titre des frais engagés.
Le montant pouvant être accordé à ce titre n’est pas plus fondé sur une appréciation par le juge de la qualité du travail de l’avocat de celui qui remporte le procès mais uniquement des charges supportées par son client.
4. Enfin comment est déterminé le montant alloué au visa l’article 700
Comme il a été dit, le juge dispose ici d’un pouvoir discrétionnaire, mais rien n’empêche l’avocat de l’aider dans son appréciation,
L’article 700 dans sa toute dernière rédaction, qui est d’ailleurs semble-t-il d’application immédiate, a été de manière fort à propos, complété de la phrase suivante :
« Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent »
Ainsi, rien n’empêche les parties d’autoriser leur avocat à produire notamment leurs notes d’honoraires relatives à l’affaire concernée, pour tenter de convaincre le juge de la justesse de leur demande.
Pour les avocats les plus rétifs qui opposaient notre sacro-saint secret professionnel à la communication de toutes pièces sur leurs honoraires, il sera rappelé que la loi du 22 décembre 2021 précise désormais que « l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 … ne fait pas obstacle à la production en justice de tout élément nécessaire à la justification des sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».
Pour conclure, le pouvoir du juge en la matière demeure discrétionnaire et de nombreuses décisions resteront obscures sur le montant consenti au visa de l’article 700 mais le nouveau texte apporte une nouvelle lumière sur ce sujet…
Si la justice est aveugle rien n’interdit de tenter de lui ouvrir les yeux sur les frais réellement engendrés par la partie à qui la justice aura donné raison.
Enfin, mais il s’agit bien évidemment d’un unique rappel, la somme attribuée au visa de l’article 700 revient, non pas à l’avocat, mais à son client qui aura déjà supporté les frais de son conseil.