Du choix des mots dans la conclusion des contrats

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Il s’agit d’un principe essentiel du droit des contrats et de la liberté donnée aux parties de convenir ensemble des termes et conditions de leurs relations. Ce principe a été une nouvelle fois rappelé en 2016 et figure depuis à l’article 1103 du code civil.

Mais cette liberté a un prix ; celui de ne pas se tromper sur le choix des mots utilisés quant à la détermination des droits et obligations librement négociés.

Il est en effet indispensable que les parties concernées, mais également les éventuels tiers qui auraient à en connaître, appréhendent parfaitement le sens des termes choisis, celui de chacun des articles négociés et, plus globalement, de la convention dans son ensemble.

A le dire, il n’y a rien d’extraordinaire et tout ceci apparaît comme une évidence.

Mais dans ce cas, pourquoi existe-t-il tant de contentieux où le juge est amené, souvent plusieurs années après la signature d’un contrat, à rechercher la commune intention de parties qui en viennent à s’opposer sur le sens à attribuer à ce qu’elles ont pourtant librement négocié ?

Il n’est pas ici question de dresser la liste de toute les bonnes raisons (ou plus souvent les mauvaises) conduisant à une telle situation.

Il s’agit uniquement d’un constat et de voir comment y remédier.

Le recours à un avocat, dès les phases de négociation puis de rédaction, est certes utile mais n’est pas gage, à lui seul, d’un contrat sans ambiguïté.

Alors vers qui d’autre se tourner ? Le poète peut-être.

Certes, un contrat n’est pas un poème ; mais il faut bien reconnaître que l’art poétique du XVIIème siècle nous éclaire toujours aujourd’hui sur le choix des mots :

« Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d’un nuage épais toujours embarassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d’écrire apprenez à penser.

Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément
»

Nicolas Boileau, l’auteur de ce fabuleux texte n’était pas, à ma connaissance, avocat mais bien poète.

Le contrat est, par sa nature, un acte juridique et l’assistance d’un avocat est bien évidemment pertinente, encore faut-il que ce dernier ait une parfaite connaissance du contexte, de la cause et de l’objet de son intervention, au côté de son client, et qu’il puisse ainsi écarter autant que possible les « sombres pensées ».

C’est par exemple pourquoi, l’avocat se doit, ici aussi, de bien connaître l’activité de son client et d’appréhender exactement les termes techniques, plus ou moins propres à son domaine d’activité et leur possible interprétation par un profane.

Car en cas de contentieux sur l’interprétation du contrat, c’est le juge qui sera chargé de rechercher qu’elle avait été, au jour de la conclusion dudit contrat, la commune intention des parties.

Il sera aidé pour cela par quelques articles fort utiles du code civil, mais l’on imagine le poids de l’aléas judiciaire à la seule lecture du second alinéa de l’article 1188 du code civil qui dispose : « Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation ».