Dans son édition du 26 mai dernier Les Échos titrait « Le patronat hostile aux juges de carrière dans les futurs tribunaux de commerce ».
Depuis 1563 et sous l’impulsion de Michel de l’Hospital, nos tribunaux de commerce ont traversé de nombreuses tempêtes et critiques. Pourtant, ils sont toujours présents avec cette particularité d’une justice rendue par des juges consulaires, à titre bénévole, issus du monde économique et non de la magistrature.
Après plusieurs tentatives par le passé d’agressions plus ou moins frontales, l’actuel gouvernement, tout en louant les qualités de notre justice commerciale, veut y faire entrer des magistrats professionnels afin, semble-t-il, de donner à ces derniers une meilleure connaissance du monde des affaires économiques. Certains voient dans cette nouvelle réthorique le discours du renard au corbeau afin de faire entrer le loup dans la bergerie.
Les juges consulaires ne sont pas des agneaux et la flatterie utilisée n’est pas des plus fines.
Nos magistrats professionnels se doivent déjà d’avoir une bonne connaissance du monde de l’entreprise. Il faut du moins l’espérer.
Sinon pourquoi leur avoir donné une compétence exclusive pour traiter des baux commerciaux? Ou plus récemment, avoir octroyé au seul tribunal judiciaire de Paris une compétence exclusive en matière de contentieux lié au nouveau devoir de vigilance des sociétés mères, un domaine où les tribunaux de commerce auraient été des plus légitimes?
A suivre le raisonnement proposé, faut-il comprendre que les magistrats de nos Cours d’appel n’auraient pas la connaissance suffisante du monde des affaires pour rejuger, en fait et en droit, les jugements prononcés par nos tribunaux de commerce?
C’est faire offense aux magistrats professionnels de laisser à penser qu’ils auraient un indispensable besoin de formation donnée par les seuls tribunaux de commerce.
Cependant, parfaire la connaissance du monde des affaires par nos magistrats est une évidence, mais ne serait-elle pas mieux assurée par des formations plus spécifiques dans le cadre de la formation de l’ENM en lien avec les représentants du monde des affaires ?
De leur côté, les juges consulaires rendent aujourd’hui, d’une part, une justice efficace dont la rapidité est louée au regard des délais appliqués par nos juridictions civiles, et une justice de qualité au regard du faible taux de réformation des décisions rendues.
Le discours tenu par le politique n’est pas le bon. Son récent fiasco visant à transférer les prestations fournies par Infogreffe à l’INPI ne plaide pas non plus en sa capacité à appréhender de manière pragmatique le monde des affaires.
L’échange entre juges consulaires et magistrats professionnels est pourtant indispensable mais certainement dans un autre lieu et sous un autre format. Que certains présidents de tribunaux de commerce aient d’ores et déjà manifesté leur accord de principe pour tenter l’expérience, est à mettre au crédit de leur esprit d’ouverture, mais cette démarche doit s’inscrire dans une vision plus globale du rapprochement de la justice et des justiciables